Chers Collègues, ou plutôt, après ce qui s’est passé le 20 décembre, permettez-moi un ‘Chers Amis’,
L’une de vous, dans un gentil message qu’elle m’a envoyé, me rappelait que lors de mon premier discours, ici même, j’avais spécifié que mon arrivée à Irchonwelz relevait d’un choix délibéré et non d’une sorte de calcul statutaire et que je m’investirais pleinement pour notre école. Elle me félicitait, par la même occasion, d’avoir tenu ma promesse.
Vous avez été très nombreux à me tenir le même discours et je vous en remercie mille fois. Cependant, soyons honnêtes, lorsqu’une école se porte bien, on a souvent tendance à louer le travail du directeur sans nécessairement penser à l’équipe qu’il a avec lui. Qu’aurais-je pu réaliser si vous n’aviez pas été à chaque fois partie prenante, si vous n’aviez pas toujours fait preuve d’enthousiasme pour mener à bien nos projets ? ‘Normal’ me direz- vous ! Et bien non. Je peux vous citer de nombreuses écoles où il n’est pas toujours facile de rallier ‘l’équipe’ à soi. J’ai eu cette grande joie, ce grand privilège. Vous l’aurez constaté, j’ai été très ému le 20 décembre, parce que, bien sûr c’était une surprise totale, parce qu’elle était d’une ampleur phénoménale mais aussi parce que j’ai vu devant moi une véritable équipe, une équipe fédérée, et que j’en ai éprouvé de la fierté.
40 années de carrière se terminent aujourd’hui et quand je regarde dans le rétroviseur, je me dis que si c’était à refaire, je referais tout sans aucune hésitation.
Je ne dirai pas, bien entendu, que ce fut toujours un long fleuve tranquille, mais d’ailleurs, les professeurs de géographie me démentiront peut-être, mais je ne crois pas qu’il existe vraiment, des LONGS fleuves tranquilles.
J’ai entamé ma carrière comme tout jeune professeur d’anglais, fraîchement sorti de l’université et la première classe à laquelle j’ai été ‘confronté ‘ était une classe de 6ème éducation physique. Vous aurez peut-être du mal à l’imaginer mais, à l’époque, j’étais tout frêle et bien entendu pas plus grand que maintenant. En voyant cette classe d’élèves baraqués et presque plus jeunes que moi, je me suis dit ‘Jean-Claude, ça passe ou ça craque !’ Ça s’est bien passé, ce jour-là, ainsi que les jours, les mois et les années qui suivirent.
J’ai adoré mon métier d’enseignant dans lequel je me suis pleinement investi, menant de nombreux projets avec mes élèves, dont certains se sont rappelés à mon bon souvenir après avoir vu les récentes publications sur FB.
Les circonstances ont fait qu’un jour, on me proposa d’assurer, temporairement, la direction de l’école dans laquelle je me trouvais. Soutenu par mes collègues qui m’encourageaient à répondre positivement, j’ai accepté. Je n’imaginais pas, alors, qu’une nouvelle voie, une nouvelle carrière s’ouvrait à moi.
Directeur dans l’Enseignement Provincial, j’ai vécu, oserais-je dire ‘subi’ la fusion des écoles mais j’ai aussi beaucoup œuvré à ‘fusionner’ les équipes des deux écoles, l’IPAM de Lessines et l’Athénée Royal.
Je suis devenu, pour faire court, proviseur de l’Athénée et ensuite Préfet. L’opportunité s’est ensuite présentée de postuler pour le poste de directeur de l’Institut d’Irchonwelz (qui ne portait pas encore le nom de ‘Renée Joffroy’, que j’ai fait accepter par la suite). J’ai fait acte de candidature et je suis arrivé chez vous, chez nous, en tant que proviseur, pendant 6 mois et ensuite directeur. C’était il y a 16 ans !
Mais quelles 16 années ! J’ai vécu de très bons moments mais aussi des moments plus ‘difficiles’, voire même tragiques.
Je n’oublierai jamais le départ de professeurs en pleurs, notamment, parce qu’ils ou elles perdaient leur poste en raison de la réforme des titres et fonctions. Ma mémoire restera longtemps gravée aussi par les propos parfois insultants de parents dont le manque de retenue n’a d’égal que leur mauvaise foi. Mais les souvenirs les plus douloureux resteront sans conteste les disparitions d’élèves, lorsqu’il faut prononcer quelques mots pour des parents ou des condisciples meurtris par la perte prématurée et volontaire d’un fils, d’une fille ou d’un copain de classe.
Mais malgré ces moments douloureux, je garderai quand même, bien entendu, beaucoup de souvenirs heureux, comme ce passage de flambeau, le 5 mai 2005, en présence de deux dames, rescapées des camps de concentration.
Quel plaisir, à chaque fin d’année scolaire, de voir passer des élèves venant fièrement chercher leur diplôme et de se rappeler, comme un flash, par quoi ils sont parfois passés pour en arriver là !
Quelle satisfaction de recevoir des témoignages de parents nous remerciant pour ce que nous avons fait pour leurs enfants !
Mais il y eut aussi des épisodes plus cocasses !
Vous ai-je déjà parlé de cette maman qui était venue m’entretenir d’un problème avec sa fille et qui, tout en me parlant, semblait obnubilée par quelque chose sur mon bureau au point, qu’après quelques minutes, elle s’est levée, a contourné mon bureau, est arrivée près de moi et … s’est saisie de mon téléphone afin remettre droit le fil qui s’était enroulé ? ‘Maintenant, je peux vraiment me concentrer sur ce que je veux vous dire’ commenta-t-elle !
Savez-vous aussi, qu’un jour, une collègue a quitté mon bureau en me disant ‘ au revoir, Monsieur le Curé’ ou encore qu’une autre collègue nous a demandé, un autre jour, au secrétariat, comment on imprimait… une feuille blanche ?
Des anecdotes comme celles-là, je pourrais vous en citer des dizaines, mais je garde des réserves pour un recueil que je pourrais un jour rédiger et que j’appellerais les chroniques d’un directeur ! Beaucoup d’entre vous, croyez-moi y auraient leur place, surtout lorsque j’évoquerai le complot collectif et bien ourdi du 20 décembre 2019 !
Je ne saurai jamais trop vous remercier pour cette journée-là, bien sûr, mais aussi et surtout pour toutes ces années passées ensemble, dans la poursuite d’un but commun, le développement et la renommée de notre école. Je tiens aussi à adresser mes remerciements les plus chaleureux à tous les membres de l’équipe de direction : M. Valembois, M. Vanderdonckt, Madame De Keyser, M. Schotte, M. Tursi, ainsi qu’à mes fidèles et indéfectibles collaborateurs et collaboratrices du secrétariat.
C’est un directeur heureux, satisfait, qui vous quitte. Je pars l’âme en paix car je sais que la relève est assurée et que notre école continuera à bien se porter.
Monsieur Valembois, le 20 décembre entre 12h15 et 12h20 ( ! ), vous avez voulu vérifier, à mon grand étonnement, si votre clé ouvrait aussi la porte de mon bureau. Ne vous posez plus de questions. Voici les clés qui vous permettront de piloter le paquebot, comme je l’ai parfois appelé, de lui définir de nouvelles destinations, de nouveaux caps, avec un équipage dévoué, mais aussi et surtout avec près de mille passagers dont nous avons la responsabilité et qui restent la seule véritable raison d’exister de l’école.
A toutes et à tous, du fond du cœur, je vous souhaite le meilleur pour les années à venir, d’un point de vue professionnel, bien sûr, mais surtout peut-être aussi d’un point de vue personnel et familial.
A toutes et à tous, encore merci et bon vent !